Depuis un arrêt de la Chambre mixte en date du 2 décembre 2005, il est acquis, qu’une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers, n’implique aucun engagement personnel du constituant à satisfaire à l’obligation d’autrui puisqu’il n’est pas, son débiteur.
La confusion persistante entre le cautionnement hypothécaire et la sûreté réelle pour autrui a, peu à peu, disparue.
La Chambre commerciale y a mis fin définitivement en 2018 -12 avril 2018 n°17-17.542 : le cautionnement réel, en l’absence d’un engagement personnel du constituant, ne bénéficie pas du régime du cautionnement personnel.
Les juges de droit nous appellent ainsi à être vigilants quant à la rédaction de ces sûretés.
La nature de la sûreté résulte alors de notre plume : l’acte contient-il ou non un engagement personnel du constituant ?
Si tel n’est pas le cas, même dénommé cautionnement réel, l’acte échappe aux règles du cautionnement posées par les articles 2288 et suivants du Code civil, cumulée, le cas échéant avec celles des articles L.331-1 et suivants du Code de la consommation.
Le droit positif a donc conduit les praticiens a veiller à une rédaction claire et précise de ce type de sûreté car une sûreté distincte du cautionnement hypothécaire a vu le jour : la sûreté réelle pour autrui.
L’enjeu est de taille.
Si cette garantie est rédigée comme une sûreté réelle pour autrui, exclusive de tout engagement personnel, elle échappe au droit du cautionnement.
En revanche, si au-delà d’une sûreté réelle, elle implique un engagement personnel du garant qui s’oblige à hauteur de la valeur du bien grevé, il s’agit alors d’un cautionnement hypothécaire. Ce sont alors les règles des sûretés personnelles et, non, des sûretés réelles qui s’appliquent.
Dès lors, bénéficiaire d’un tel cautionnement, le créancier est titulaire d’un droit de préférence sur la valeur des biens offerts en garantie et peut également agir sur n’importe quel bien de la caution réelle en raison de l’engagement personnel de celle-ci et ce, même si le gage du créancier est limité à la valeur des biens affectés en garantie.
L’assiette du gage du créancier est donc étendue à l’entier patrimoine de la caution mais limitée en valeur.
D’ailleurs, si la convention ne contient aucune précision sur ce point, le créancier risque d’affecter une partie de son patrimoine en garantie alors que telle n’est pas sa volonté. Il nous semble prudent, dans un tel contrat, de préciser l’assiette du droit de poursuite du créancier et de la cantonner à un bien déterminé, à titre de cautionnement réel, et non, personnel.
C’est alors le rôle de la sûreté réelle pour autrui : le créancier n’a d’action que sur le bien affecté en garantie.
Et, l’article 2334 du Code civil reflète parfaitement cette position prétorienne.
Si le créancier est ainsi limité dans son droit d’action, assis sur le bien désigné dans la convention, qu’elles sont ses actions face à la procédure collective de l’emprunteur ?
Peut-il poursuivre le constituant ou, en sa qualité de créancier de l’emprunteur est-il soumis à l’article L.622-21 du Code de commerce et au principe de la suspension des poursuites ?
Cette question est d’importance pour les banques créancières.
La Chambre commerciale y répond dans une décision du 25 novembre 2020 – n° 19-11.525- estimant que le bénéficiaire d’une sûreté réelle en garantie de la dette d’un tiers n’est pas le créancier du constituant de cette sûreté – mais créancier du débiteur de la dette – et n’est donc pas soumis au principe de l’interdiction des poursuites.
La banque va alors, nonobstant l’ouverture d’un plan de redressement ou de sauvegarde, poursuivre la réalisation de sa sûreté auprès du tiers-constituant.
En l’espèce, la Haute juridiction autorise la saisie immobilière du terrain hypothéqué par une société et ce, en garantie de la dette du débiteur en redressement judiciaire.
Dès lors, la sûreté réelle pour autrui deviendrait aussi efficace en cas de procédure collective du débiteur- emprunteur que la délégation imparfaite.
Mais, celle-ci suppose un engagement personnel du second débiteur à l’égard du créancier du premier. Ce second débiteur peut donc être poursuivi, à ce titre, par le créancier bénéficiaire de cet engagement et ce, en cas de procédure collective du débiteur principal de la dette.
Finalement la sûreté réelle pour autrui , dénuée de tout engagement personnel du constituant et la délégation imparfaite, caractérisée par l’engagement personnel du second débiteur auront la même efficacité pour le créancier mais, pour des raisons différentes.
Mais, une fois le débiteur en faillite, que se passe t’il pour la banque créancière si, le temps de l’appel en garantie, le constituant de la sûreté réelle est lui même en procédure collective?
Le créancier bénéficiaire de cette sûreté n’est pas, selon les termes mêmes de la Chambre commerciale, créancier du constituant. Par conséquent , il n’a aucun titre, en ce cas, à déclarer sa créance à la procédure collective de celui-ci – décision du 17 juin 2020 n° 19-13.153.
Si ses droits ne sont pas préserver par la déclaration de créance, il est alors logique qu’il échappe aux restrictions individuelles de la procédure collective (interdiction des paiements, arrêt des poursuites individuelles et des mesures d’exécution) et qu’il puisse poursuivre la réalisation de sa sûreté.
Et, le créancier titulaire d’un acte notarié constatant l’affectation hypothécaire est muni, dès lors, d’un titre exécutoire, avant le jugement d’ouverture.
Il peut donc procéder à la saisie du bien hypothéqué. Il n’est pas soumis à la règle de l’arrêt des mesures d’exécution. Il engagera librement, conformément à l’article L.622-23 du Code de commerce, une procédure de saisie sur le bien immobilier donné en garantie.
Certes, la banque bénéficiaire de la sûreté réelle pour autrui n’est pas créancière du constituant de celle-ci, tenu d’aucune dette à son égard; mais, elle peut poursuivre, entre ses mains, la réalisation de sa sûreté.
Tant que la Chambre commerciale continue sur cette lignée, la sureté réelle pour autrui est dotée d’une efficience incontestable.
Et, il est nécessaire que la pratique notariale s’en saisisse et propose de telles garanties, véritables sûretés des créances.
Cet arrêt de la Cour de cassation en témoigne à nouveau : l’efficacité de nos sûretés ne peut être jaugée sans une parfaite connaissance de leur destinée face à la procédure collective du débiteur.